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Votre hamster

29 Mai 2020

Lors d’un « live » sur Facebook, Nathalie partage son histoire de hamster : Concentrée, au bureau, elle cherche les noms des chapitres pour une formation, mais manque d’inspiration. Elle s’acharne. La roue du hamster de son mental chauffe avec de jolies injonctions : faut que je trouve ! Allez ! Mais c’est pas possible ! C’est pourtant simple !

Sa roue continue de couiner même pendant ses conversations téléphoniques, ce qui donne place à des gribouillis sur des coins de papier et une perte d’écoute active.

Passablement frustrée elle va se coucher. Le lendemain, confortablement installée à son bureau, elle ouvre le dossier et BOUM ! Les chapitres se présentent à elle.

Nous savons tous que quand notre hamster court, nous ne pouvons pas entendre ce que notre intuition aimerait nous présenter. Les uns vont faire du sport, les autres une méditation, de la cuisine ou une sieste. Toutes ces activités ont le même mérite : elles mettent le hamster au repos et font place pour votre intuition. Ou pour utiliser les mots de Nathalie : pour télécharger la réponse à votre question !

Et vous ? Comment occupez-vous votre hamster ?

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Gundula Welti

Comments

  1. Patrick Bourg Says: juin 18, 2020 at 11:30

    Le hamster est la métaphore du cyclique, de ce qui tourne en rond sans début ni fin, sans queue ni tête dans une ‘causalité’ circulaire à l’instar du jour et de la nuit (autre version de l’énigme que pose la Sphinx à Oedipe et aux passants qui vont à Delphes).
    On peut aussi rappeler que la répétition est le propre de la pulsion qui, comme son nom l’indique… pulse comme un battement cardiaque.
    C’est aussi l’obsessionnalité de la pensée dont l’emballement répétitif est plus importante que le contenu ressassé.
    À côté de la répétition du plaisir, il y a le plaisir de la répétition, autrement nommé « au delà du principe de plaisir » par un certain Freud !
    Déjà tout petit nous aimons qu’on nous raconte les mêmes histoires, au mots près, encore et encore. Le rôle de l’obsession qui rumine comme une roue sans fin est d’endiguer l’angoisse du « vertige du possible »: avec la roue du hamster, fini le possible, le choix, la liberté: vive le calme de l’éternel retour à l’identique du même. La régularité mortifère sans choix contre la liberté polyglotte de la vie angoissante: Thanatos contre Eros.
    Voilà pourquoi, hélas, les dictateurs et hommes providentiels de tout poils ont encore de l’avenir: leurs promesses jamais tenues ne m’empêchent pas de voter à l’identique pour le suivant: l’important c’est qu’il me rassure en proférant de l’unité.

    « Nous le savons tous que quand notre hamster court, nous ne pouvons pas entendre ce que notre intuition aimerait nous présenter »:
    Oui c’est le rôle de l’intuition de nous présenter ces « petites agitations de l’âme » (Leibniz) qui nous affectent du côté de la diversité inquiétante mais tellement enrichissante. C’est le prix a payer.
    Aussi se pose alors la question de savoir s’il faut, ou non, nous occuper de mettre en route ces activités (sport, méditations, cuisine, sieste) qui auraient pour but de mettre le hamster au repos et donc de faire de la place à l’intuition. En fait, ces activités risquent de juste servir de mode expiatoire, d’ « acting out » : le hamster ne sera alors pas au repos, il aura juste changé de mode d’effectuation ! La masturbation intellectuelle en serait une belle image !
    Des philosophes de la Grèce ancienne aimaient philosopher en marchant et s’appelaient pour cette raison des philosophes péripatéticiens (mots qui a connu depuis des fortunes mieux connues !). Je crois au final que ce n’est pas l’activité en elle-même qui est vertueuse mais l’état d’esprit dans lequel on la pratique. L’activité sportive en est un très bonne exemple: je peux aggraver la roue du hamster en pensant sans cesse au sommet à atteindre à tout prix dans des temps performants, ou je peux à l’inverse me laisser aller à la rêverie, à la libre association, au vagabondage, à l’évasion : mon corps étant ivre et saturé de fatigue.

    J’aurais tendance à ne pas mettre ces quatre types d’activités dans le même sac: la sieste, via le rêve qu’elle favorise, et ses « libres associations » est certainement beaucoup plus une invitations aux intuitions que le sport qui peut facilement virer à la roue obsessionnelle du hamster. La méditation est plus ambiguë car tout dépend du type de méditation: cela peut aller de la ‘méditation’ sectaire proche du lavage de cerveau obsédant à la méditation ouverture sur nos intuitions. Idem pour la cuisine qui va dépendre du psychisme du cuisinier: du cuisinier obsessionnel au cuisinier créatif: un hybride des deux étant souvent utile (association d’Apollon et Dionysos chez Nietzsche).
    À y regarder de plus près, on voit que ces activités ne mettent pas forcément au repos la roue du hamster et peuvent en constituer au mieux une autre figure, une autre modalité.
    Beaucoup ‘choisissent’ le non choix du UN, de l’unique sans rival, l’objet totalitaire unique qui rassure comme est rassurante une mère ou un père qui se veut être l’unique horizon du monde de son enfant. Rassurant et intrusif: Dieu en quelque sorte, ou un dictateur dans sa version politique !
    Il y a aussi l’idéologie qui se pose sans autre recours qu’elle même. Bon nombre de concepts agissent comme des drogues à l’insu de notre plein gré, tant nous les utilisons sans jamais les remettre en question (les « doxosophes » de Bourdieu: le remède est alors le goût novateur et créateur du « paradoxe »).

    Venons en donc à la question posée: »Et vous ? Comment occupez-vous votre hamster ? »: si je traduis cette question en terme psychanalytique, elle devient: comment sortir un obsessionnel de sa névrose ?! Justement en ne l’occupant pas car il est déjà suffisamment occupé (à en être bouché !): il faut même le désoccuper ! Favoriser la « libre association »: « dites ce qui vous passe par la tête sans aucun jugement (intéressant ou pas, intelligent ou non, etc.): l’épochè ou suspension du jugement serait la réponse la plus pertinente à la question.
    Favoriser l’équilibre entre Dionysos et Apollon (Nietzsche), c’est à dire entre corps et l’esprit. Mais la roue peut aussi se remettre à tourner dans l’alcoolisme chronique ou dans l’intellectualisme raisonneur et rationalisateur…
    La roue qui tourne du hamster est le rythme de la musique, la mélodie pourrait en être la solution (Nietzsche encore), en temps qu’état de variation continue qui tempère le répétitif rythmique.

    « Et vous ? Comment occupez-vous votre hamster ? »: la question serait un véritable « pharmakon »: remède en abordant un vrai sujet, poison en le posant mal, puisque « occuper son hamster » revient à redoubler ce qu’on dénonce à juste titre dans le hamster (métaphore d’un sujet qui tourne en rond): occuper le hamster reviendrait à le faire tourner encore plus ! Faire le vide serait la meilleure approche pour se laisser pénétrer par l’inattendu, dont celui des intuitions. C’est même la position de Bergson par rapport l’art qui à pour fonction de nous donner des intuitions et à sentir ce qui pourra ainsi être pensé.

    Parmi les roues de hamster particulièrement problématiques, il y a celle qui formatent notre mode de pensée: on a à juste titre accuser « Power Point » de nous enfermer dans une grille de présentation pernicieuse car invisible.
    Souvent la politique et la démocratie se justifie par « l’opposition » comme nécessité, comme hygiène sociale. Seulement on oublie de dire que l’opposition n’a de sens que si elle est opposition à quelque chose de précis et qu’elle n’est pas une opposition systématique, indépendante du sujet auquel on s’oppose. S’opposer pour s’opposer, comme dire non pour le plaisir de dire non (normal chez un enfant de 3-4 ans qui trouve là un moyen de réponse à la dictature parentale !) nous renvoie à la roue du hamster et sa violence immanente.

    « Black’s lives matter » renvoie immédiatement aux violences policières: voilà deux roues de hamster dans lesquelles nous pédalons quasiment tous. Mais n’est-ce pas une roue dont il faudrait, sinon sortir, mais au moins avoir le courage de la remettre en question ?
    Par exemple, cette violence que je dénonce en la qualifiant de policières: est elle si policières que ça ? La qualifier de policière n’a de sens que si je pense que cette violence est spécifique aux policiers mais si cette violence est statistiquement la violence qu’on observe dans la population générale alors cette expression n’a plus beaucoup de signification car il s’agit alors juste de la violence humaine en générale mais ici illustrée par le corps professionnel des policiers (néanmoins avec cet inconvénient majeur d’un corps professionnel assermenté).
    On pourrait tenir le même raisonnement pour les « narcissismes des petites différences » que sont le racisme, l’antisémitisme et autres persécutions de ce genre. Cela veut alors dire que l’être humain en général est sensible aux petites différences qui le renvoie à celui qui ne lui ressemble pas. Ce n’est pas en tant que noir, juif ou chrétien que s’exercera la persécution mais parce que cette particularité servira d’illustration à ce phénomène plus général du « narcissisme des petites différences ».
    La conséquence de cela est extrêmement importante car alors la solution n’est plus de dénoncer et de lutter contre la violence localisée à un corps professionnel (la police), religieux ou à une couleur de peau particulière mais réside dans la dénonciation et la lutte contre un élément général à l’humain (et non local lorsqu’on circonscrit la violence à la seule police). Alors on s’aperçoit qu’en pédalant dans la roue de hamster de la violence policière sans remettre en question cette question elle-même, on s’enlève les moyens de trouver une solution pérenne; puisqu’en cantonnant la violence au local de la police, ce local va servir de bouc émissaire au général de la violence en chacun de nous, qui ainsi pourra continuer à accuser les autres d’une violence dont il s’exclut.

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