Montrer le ventre
11 Juin 2020
Une petite vidéo sur internet montre un père qui présente son nouveau-né au chien de la famille. Le chien se met immédiatement sur le dos en exposant son ventre, sa partie la plus fragile, pour signifier qu’il ne fera aucun mal au nourrisson.
Quand deux chiens se battent et qu’un des deux sent qu’il ne fait pas le poids, il reproduit ce même geste en signe de capitulation – du coup l’autre s’éloigne, sans s’acharner.
La plupart des personnes que j’accompagne prennent conscience de ce moment crucial de « montrer le ventre ».
David Allen l’a brillamment décodé : « Les chiots et les bébés sont les êtres les plus vulnérables … et c’est précisément pour cette raison qu’on a envie de les protéger » !

Aucune personne normalement constituée ne voudra faire du mal à un bébé ou à un chiot. Bien au contraire, quand vous montrez votre ventre symbolique, une protection se met immédiatement en place qui est quasi impénétrable.
Et vous ? Quel ventre pourriez-vous montrer pour qu’une protection puisse se mettre en place ?
D’abord quelques remarques:
« pour signifier qu’il ne fera aucun mal au nourrisson »: je ne parle pas le « chien »: attention à l’anthropomorphisme en faisant parler le chien (Leibniz). Un chien ne signifie pas: il faut l’admettre; par contre nous le faisons signifier, ce qui est très différent ! Un chien peut avoir la réaction réflexe darwinienne de montrer son ventre car il a mémorisé cette stratégie de survie sans la conceptualiser.
« « Les chiots et les bébés sont les êtres les plus vulnérables … et c’est précisément pour cette raison qu’on a envie de les protéger » ! »: la fameuse « trop bonne mère (père) » de Winnicott montre qu’une (sur)protection peut être d’une grande violence intrusive…
Et un enfant bulle ne fait pas ses anticorps pour lutter contre le monde extérieur: protéger, oui, mais trop (qui serait la bonne traduction de « good enough mother »: elle doit être bonne mais pas trop). La protection à la double polarité du « pharmakon »: remède qui peut devenir aussi en excès un poison.
On en voit un exemple politique quand un pays (sur)protège ses habitants, ceux ci se conduisent comme de ‘grands’ enfants en pensant que tout leur est dû et qu’ils doivent continuer à être protéger par les autres toute leur vie, en prenant eux mêmes en main le moins de chose possible…
« Quel ventre pourriez-vous montrer pour qu’une protection puisse se mettre en place ? » :
« Protégez moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge ! »: Dans la même veine, c’est de moi-même qu’il faut que je me protège, les autres je peux m’en charger. C’est l’autre en moi, mon inconscient, c’est à dire ce qui reste d’enfant en moi (l’infant: étymologiquement celui qui n’a pas la parole, comme l’esclave). C’est mon inconscient donc mon infantile qui peut me mettre en danger: montrer ce ventre revient alors à prendre conscience de cet inconscient; en tout cas lever un peu le voile. Alors je peux me protéger de moi même !
Je dois ainsi me défaire d’illusions dangereuses comme celles portées par l’ego psychologie anglo-saxonne: idée que je serais totalement maître de moi-même via un moi volontariste et fort qui maîtrise tout; alors que, comme le dit si bien Freud, ce moi est « un esclave au service de trois maîtres: le ça (mon héritage pulsionnel biologique), la réalité extérieure et le surmoi (mon héritage culturel traditionnel)». Ce pseudo moi fort m’empêche de prendre conscience de mon ventre fragile et donc de le protéger.
Faire une analyse pour montrer sa part animal inconsciente c’est à dire son ventre… allonger sur le divan… en montrant son ventre !